2010/09/19
Split second : Episode 3 : Patience et longueur de temps...
Je suis dans un couloir, et j'attend. Je ne suis pas en salle d'attente. Je suis dans un couloir d'attente, aux urgences du Kremlin-Bicêtre. On a diagnostiquer que j'avais mal à la jambe, pour, au mieux, un genoux déboité, au pire, une fracture.
Mais je ne pisse pas le sang, et mon éducation m'aura à tel point façonné, que je ne braille pas. Je comprend que l'expression "Prendre son mal en patience" n'aura guère qu'ici, tout ton sens, strictement, et simplement.
Donc j'attend.
Mais j'ai quand même mal. De temps en temps, au bout de quelques heures, je crois -j'ai mon téléphone sur moi, mais je perd un peu le sens du temps, dans cet endroit-, j'essaye d'alpaguer quelqu'un qui passe, avec un blouse, pour lui dire que j'ai encore mal. On m'a dit que j'allais passer des radios, même si je le savais déjà. Mais on ne m'a pas dit quand. On ne le dira jamais, parce que le temps à une toute autre valeur, à l'échelle individuelle, dans ce genre d'endroit : On est toujours en train d'attendre trop longtemps, pour un mal qui est toujours trop important. Et donc, de prendre son mal en patience.
Depuis que les policiers m'ont demandé si je voulais prévenir quelqu'un, j'y pense. Ma mère. Je ne connais absolument pas son numéro, depuis...depuis que j'ai un téléphone portable, et qu'il ne m'a jamais été besoin de le composer en fait. Je n'ai jamais connu le numéro de téléphone portable de ma mère finalement. Je ne pourrais pas lui téléphoner autrement qu'avec mon propre téléphone.
J'ai tout de même dit aux policiers, si je me souviens bien, que je voulais qu'il préviennent mon employeur. Pauline, qui est à l'administration. Je me souviens de son numéro. On a tous un numéro court sur quatre chiffres, à la fin d'un numéro commun à toute l'entreprise. Et puis en début de contrat, j'ai forcément remplis un papier sur la personne à contacter en cas de problème. Qui d'autre que ma mère ? Personne.
Les policiers ne sont plus là, je suis dans le camion de pompiers, et je me demande si mon employeur va prévenir ma mère, et si elle va s’inquiéter. Elle voudra venir au plus vite, si les choses ne lui sont pas expliquer comme il faut. Les policiers ont bien tout entendu, vu que je le leur ai dit, de mon vivant, littéralement; puisqu'à part ma jambe, rien de grave -même si je commence à trouver ma douleur de moins en moins supportable- et donc, logiquement, mon employeur est très au courant de ce qu'il se passe. Et devra donc dire, sans aggraver la situation, ni manquer à d'importants détails qui pourrait être inquiétants, devra donc dire à ma mère ce qu'il en est.
J'apprendrais plus tard qu'il n'en a rien été. Là, je suis dans un couloir, et mon téléphone capte très mal. En même temps, je vois des affichette au look "kawai" pour bien faire comprendre aux douloureux qu'ils ne devraient pas téléphoner. Que personne ne devrait téléphoner. À part les gens que je vois téléphoner. Pas tous avec des portable. Le personnel hospitalier utiliser des téléphones sans fil. Je crois que les boîtiers accrochés entre les murs et le plafond, ça et là, servent soit à répandre le signal de la ligne locale, soit à brouiller les signaux des portables extérieurs. Je n'en sais rien, et je voudrais contacter tellement de personnes.
J'hésite à contacter ma mère, je ne veux pas qu'elle arrive un jour plus tôt de ses vacances, pour n'apprendre rien de plus que moi : J'ai eu un accident de scooter, je n'en suis pas mort, et j'ai juste la jambe éventuellement cassée. Bref, rien qui n’apaisera son inquiétude, rien qu'elle ne pourra faire à part me regarder avoir mal, et attendre. Et je ne veux pas ça. Mon téléphone a encore assez de batterie pour que je passe ces appels. Mais pour combien de temps ? Un Acer Liquid, avec la luminosité au minimum, pas de synchro google, en réseau 2G, combien de temps ça dure ?
Mon téléphone sonne. C'est ma tendre. Je n'ai même pas réfléchis à la façon dont j'allais lui dire la chose, pour qu'elle ne s'inquiète pas. Je vais improviser, il n'y a pas grand chose à dire : "Où suis-je ? euh...au KB...comment dire, hum....j'ai eu un accident de scooter-mais-rien-de-grave-hein-juste-que-j'ai-p'tet-le-genou-déboité. Oui, bah je suis désolé hein, j'ai pas fait exprès d'avoir un accident. Oui, je te tiens au courant, je te recontacte plus tard. Bisou. hum..."
Bon, au moins, c'est fait.
Mes souvenirs sont un peu confus pour l'ordre des appels suivants : Mon collègue, au boulot, pour qu'il prévienne "la personne qu'il faut", Esvo pour qu'il passe et que je lui donne les clefs pour donner à manger à mes fauves, et ma mère. Parce que je préfère le lui dire moi même. Beaucoup mieux ainsi.
J'ai encore mal, mais personne ne passe. Je me redresse sur mon brancard, car je suis juste devant la vitre d'une petite salle, contenant plein de personnes en blouses blanches. Je toque à la vitre, et personne ne semble me voir. Serais-je déjà mort ? Juste pour une jambe cassée. Ah merde, je ne suis pas encore sensé le savoir, puisque je n'ai pas passé de radio. Pas encore. Donc je toque un peu plus fort. Faut dire que j'ai curieusement l'impression que tous et toutes, dans cette pièce, se concentrent très fort pour ignorer tout ce qui est en dehors de leur pièce. Aucune réaction. J'en ai marre. J'aurais pu leur laisser le bénéfice du doute, mais quand on mal, on y consent moins. Donc je frappe nettement plus fort, pour les sortir de leur torpeur plus ou moins volontaire. "Oui, que se passe-t-il ?" BAH J'AI MAL ! C'est plutôt simple de ne pas m'ignorer, vu que mon problème n'est pas si difficile à résoudre ! Je perd patience. Je m'auto légitime dans mon cynisme de plus en plus éclatant. Enfin, façon de parler, parce que je n'ai pas envie d'insulter ni de blesser qui que ce soit. Ni de crier. Mais quand même.
Un peu plus tard, je vais passer, enfin, mes radios. Avec encore la même délicatesse à me manipuler pour me sortir de mon brancard.
À suivre...
source image : lepost.fr
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